jeudi 19 février 2009

A. Wiezman, pour Transfuge HS sur W. Allen, 12/2007


Ariel Wiezman sur Woody Allen



Comment vous avez découvert Woody Allen ?
On ne découvre pas Woody Allen, il fait partie de la culture mondiale ! Mais je pense que la première fois que j’en ai entendu parler c’était dans les années 70. J’étais enfant et j’avais l’impression que dès qu’ils sortaient d’un film de Woody Allen, les gens avaient besoin d’en parler, d’en discuter pendant des heures. A chaque fois, il a su susciter un attachement et un intérêt très particulier. On attendait beaucoup de lui, de ce bouillonnement intérieur, et il se trouve qu’il a su être à peu près à la hauteur. Au départ, les gens aimaient le Woody Allen tordant de Bananas, de Prends l’oseille et tais toi etc…Et puis tout à coup ils ont aimé ses films plus intimistes, plus Newyorkais, des films qui mettaient en scène la psychanalyse, les relations de couple difficiles, les gens qui se penchent sur leur passé, l’anxiété juive etc. Ensuite son œuvre prend une dimension quasi policière, où il travaille de plus en plus ses intrigues plus que le reste. Et le voilà aujourd’hui avec un style anglais très épuré, assez proche d’Agatha Christie. Je trouve que Scoop par exemple c’est vraiment ça. Et ça plait toujours autant.

Qu’est ce que vous aimez chez Woody Allen ?
Il y a un Woody Allen que j’apprécie beaucoup, c’est le Woody Allen écrivain, celui de Pour en finir une fois pour toute avec la culture, de Dieu Shakespeare et moi etc…. Je trouve qu’il a une liberté d’écriture incroyable dans ces livres, et qu’il a trouvé une manière d’écrire bien à lui : ni un sketch, ni un texte un peu impressionniste comme le faisaient souvent les anglais. Juste des textes vraiment désopilants. Il n’y a pas besoin de faire d’effort, c’est d’une telle absurdité, d’une telle liberté. C’est extraordinaire.

Et vous, dans tout ça ? Qu’est ce qu’il vous a apporté ?
Là dedans, j’ai tout retenu. L’humour de Woody Allen, c’est celui de quelqu’un qui doute, mais qui ne se dévalorise pas. C’est très particulier. A la fois Woody Allen s’attribue une grande valeur, il a des ambitions, et en même temps, il a un grand manque de confiance en lui. La fusion de ces deux traits de caractère donne quelque chose de vraiment singulier. Et de très moderne. On dit que c’est ça, l’humour juif. C’est vrai que ça correspond beaucoup à la mentalité de gens qui ont été cassés par l’Histoire, et qui la redoutent. Mais ça correspond très bien aussi à l’homme contemporain confronté à l’exigence de performance, dans tous les domaines, tout le temps, dans le travail, dans le sexe etc…, sans y être toujours bien préparé.

Votre film préféré ?
C’est un film qu’il a co-écrit, le premier. What’s new Pussycat ? Dans What’s new pussycat?, il y a absolument tout ce que j’aime. Un Paris complètement imaginaire, fantasque, élégant et amusant ; des échappées absurdes ; des croisements de personnalités excessives ; des boîtes de nuits ; des circuits de kartings, des anglais, des allemands, des play boys, des mannequins, bref, il y a une sorte de fusion de tout ça extrêmement réussie. C’est très proche, justement, de la veine de Dieu, Shakespeare et moi. Et puis on y retrouve très bien ce que Woddy Allen doit à Peter Sellers, qui jouait dans le film. C’est comme un passage de témoin entre deux comiques qui ont quand même beaucoup, beaucoup en commun.
Est-ce qu’il y a pour vous un Woody Allen français ?
Il y a des bouts de Woody Allen dans Jean-Pierre Léaud, il y a des bouts de Woody Allen dans Benoît Poelevoord, il y a des bouts de Woody Allen dans Edouard Baer, il y a des bouts de Woody Allen dans…

Ariel Wiezman ?
Oui pourquoi pas, dans Gad Elmaleh aussi, bref un peu dans plein de gens. Mais en tout cas je n’ai pas l’impression qu’on ait un équivalent réel. Le truc, c’est qu’en France, tout doit être justifié, il y a une sorte de système de « validation » de la vanne qui n’existe pas chez les anglo saxons. Cette barrière mentale, que Woody Allen ne comprendrait pas, nous empêche, nous, en France, de faire ce qu’il fait. Ici, on ne peut pas faire de blague sans raisons, comme si notre cerveau était une loterie d’où on sortirait une boule au hasard. Et Woody Allen, c’est exactement ça. D’un coup, sans raisons, il va nous parler d’un oiseau qui s’est tatoué sur le ventre l’adresse du maire de je ne sais quelle ville, et donc évidemment, si on doit justifier une inspiration comme celle-là, c’est très compliqué. Alors que c’est précisément ça qui est drôle. Ca doit être pour ça qu’on n’a pas de Woody Allen « français ».

Si vous le rencontriez, aujourd’hui, qu’est ce que vous lui diriez ?
Je ne fais pas partie des gens qui rêvent de rencontrer d’autre gens. Je trouve qu’aller acheter un DVD d’un film qu’on n’a pas vu, c’est beaucoup plus excitant que d’aller serrer la paluche à un mec devant qui on va être forcément gêné.
Marine de Tilly.

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