jeudi 19 février 2009

P. Besson, dans Le Figaro, 11/2003



PATRICK BESSON
Bas les masques !


Tour Jade, de Patrick Besson Bartillat, 107 p., 13 €.


Tour Jade. Un petit livre bleu pâle, des mots de joie et de mélancolie, délices et vague à l’âme. Après 28 boulevard Aristide-Briand et Un état d’esprit, Patrick Besson rédige la suite de ses souvenirs, sorte de promenade dans l’univers intérieur de l’écrivain où l’on rencontre sa compagne, ses fils Paul et Oscar, sa mère. En toute intimité, Besson raconte, il se raconte.

Mauvais père, mauvais mari, mauvais coucheur, il décrit la vie tiède d’un homme trop seul. Peut-on le croire ? Cette vie, c’est celle d’un marcheur qui divague, comme un chien vagabond, dans les rues du XIIIe arrondissement de Paris, reniflant ses odeurs, contemplant ses couleurs, dévisageant ses silhouettes et ses tours HLM, avant d’aller chercher son fils adoré à la sortie de l’école, c’est celle d’un amoureux fou de la blondeur de Gisela, « qu’il aime plus qu’elle ne l’aime ». Puis Patrick Besson s’enfuit en Espagne dans un palace pour prolos où l’on ne boit que « de l’eau du robinet » : « Le Lookea Vista Bahia à Ibiza, c’est le peuple de Montreuil à l’étage noble du Martinez. » Là-bas, son oeil spécule, décrypte, transperce, éreinte. Chacun en prend pour son grade : Besson lui-même, les ploucs en vacances, les riches, « ces salauds », les pauvres, Besson de nouveau, Gisela, ses cheveux gonflés, les « nouveaux Français » : lui, « Beur crâne rasé, portant dans une petite sacoche toutes les économies du couple, même quand il vient se servir au buffet de frites qu’il mangera avec les doigts », elle, « blanche, sportive, le regard mou ».

Il prend des notes, s’ennuie à mourir, décide de ne plus reluquer les filles bronzées-décolorées-siliconées pendant une semaine. Évidemment, il n’y parvient pas. Et rebelote.

Le temps qui passe, Besson le happe, il lui repeint les ailes, et le fixe sur le papier comme un papillon en sale état. Rassemblement des lambeaux d’âme à la déroute, éclats de vie confondus en éclat de rire, Besson dresse dans ce livre un autoportrait drôle et touchant, sans complaisance, sans pathos, en silence... De ces silences « qui coupent le souffle ».

Marine de Tilly.

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