jeudi 19 février 2009

E. Bloch Dano, dans Atmosphères, 12/2007


La Biographie de l’année

La biographe, Evelyne Bloch Dano, Grasset, 233 p., 16, 90 €.


C’est vrai…, c’est « sympa », les biographies : on s’offre un petit cours d’histoire un peu plus sexy que ceux de ce vieux chnok qui nous pompait l’air avec le III ème Reich en terminale B. Mais « en vrai », une biographie, ça garde toujours ce petit côté solennel, presque pompeux, et c’est à coup sûr signé par un historien très très sérieux ou un académicien poussiéreux (les deux ayant déjà été observé). Alors forcément, quand une biographe comme Evelyne Bloch Dano, saluée pour ses portraits de la mère de Proust ou la femme de Zola (cf encadré), rue dans les brancards et réinvente une nouvelle idée de la biographie, on adore. La Biographe, ce n’est pas juste l’histoire de Romy Schneider. D’ailleurs tant mieux, accessoirement, on la connaît déjà : « Fascinante Romy », « inoubliable Sissi », merci, on a donné. Non, cette fois, c’est à travers l’histoire intime d’Edith Hanau, la mère de l’auteur, que l’on « re » découvre la légende de Romy. Pour la première fois, la propre histoire de l’auteur se confond avec celle de son sujet. Le pari était ambitieux, et il est magistralement remporté. Avec sensibilité. Avec modestie. Et tant de tendresse. Grâce à Edith, on oublie Romy, et on rencontre Rose Marie Albach; à travers elle, on oublie l’étoile éblouissante étoile du cinéma pour découvrir la femme tourmentée par la question de l’identité allemande, l’amoureuse brûlante, la mère brisée. Ca change un peu. Beaucoup en fait. C’est moderne, vivant, incarné. Et ce n’est pas comme si on pouvait en dire autant de toutes les biographies « traditionnelles ».

3 questions à…. Evelyne Bloch Dano :

Vous avez signé les biographies (entre autres) de Flora Tristan, de la mère de Proust, ou de l’épouse de Zola. Que des femmes de l’ombre. Cette fois vous vous attaquez à une immense actrice, qui elle fut toute sa vie en pleine lumière. Pourquoi ce changement ?

Heureusement que je change un peu, et que je n’écris pas toujours la même chose ! C’est important de changer ! Plus sérieusement, ce qui m’a intéressé dans ce travail, c’est précisément de découvrir l’ombre du personnage de Romy Schneider, qui était en pleine lumière. Car c’est souvent sous le feu des projecteurs qu’il y a le plus de zone d’ombre.

Pour la première fois, dans La Biographe, vous êtes, à travers Romy Schneider, votre propre biographe. N’est-il pas plus difficile d’explorer sa propre vie que celle des autres ?

Ce qui est amusant, c’est que livre a été très facile au moment de l’écriture. Les associations des passages sur Romy et sur ma mère venaient très naturellement. En revanche, le plus difficile pour moi a été après la publication. Parce que là, il ne s’agissait plus d’écrire, mais de parler de ma mère, et de moi donc. C’est seulement là que j’ai pris conscience que j’avais découverte par ce livre des choses très intimes. Du coup j’ai pris l’habitude, aussi mauvaise que pratique, de me cacher derrière Romy Schneider en interview !

« La biographie est l’art d’être l’autre que je suis », une phrase que vous mettez en exergue de votre livre. Alors c’est ça, le message de ce livre ?

C’est exactement ça. J’ai trouvé cette phrase chez un psychanalyste argentin, et elle reflète vraiment ce que j’ai voulu dire : on écrit de biographies avec ce que l’on est secrètement, et que l’on ne connaît pas toujours.

Ce livre, c’est l’alliance de deux destins, celui d’une allemande, Romy, et d’une juive allemande, votre mère. C’est une sorte de chute du mur littéraire ?

J’adore cette expression de « chute du mur littéraire ». Elle est très vraie. A travers les destins croisés de Romy Schneider et ma mère, je voulais montrer que oui, le mur est tombé, et qu’il faut cesser de porter la souffrance des victimes, comme celle des bourreaux. Je pense particulièrement aux générations qui viennent après ceux qui ont vécu la guerre, qui doivent se souvenir que de la même façon qu’il n’y a plus d’allemands de l’est et de l’ouest, il n’y a plus d’allemands et de juifs allemands.

Coup d'essai?
Tout commence en 1997 avec Madame Zola (Hachette Littératures), premier portrait d’Evelyne Bloch Dano, consacré à celle qui toute sa vie conseilla l’immense auteur, l’aima, accepta ses adultères. Une femme d’une grande classe et à l’esprit large. Véritable succès de librairie, il fût consacré par le prix 1998 des lectrices de Elle. Puis en 2001, c’est Flora Tristan, cette femme d’action, compagne de lutte des ouvriers, socialiste avant l'heure, romancière libre, et féministe que Bloch Dano choisit de croquer chez Grasset cette fois. Trois ans plus tard, le prix Renaudot de l’essai couronnera la première biographie de la mère de Proust: Madame Proust (Grasset, 2004), signé Bloch Dano.
Marine de Tilly.

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