mercredi 1 avril 2009

G. de Cortanze pour Le Point, 01/2009


Nom de Bleu !

Indigo, de Gérard de Cortanze, Plon, 374 p., 21 €.

Si Gérard de Cortanze avait publié Indigo au XVI ème siècle, il aurait, à coups sûr, fait un tabac. D’abord, il y a les noms des personnages : Grand-Cœur, Sang-Dragon, Asmodée ou Giobert, le héros, ça ne s’invente pas. Quand à la quête de Giobert, qui consiste à trouver une qualité de bleu exceptionnelle, jusqu’ici jamais découverte ; autant dire que le Saint Grâal à côté, c’est du gâteau. De la table du « Café des Ténèbres » aux cimes enneigées des montagnes de Savoie, Giobert va devoir composer avec toute sorte de chevaliers au sang bleu -le Vert, le Rouge ou le Noir, et…. le Bleu naturellement- qui se font un sang d’encre pour le précieux indigo. A l’instar de ses aïeux Lancelot, Yvain ou Perceval, notre héros-indigotier dissimule derrière la recherche épique de l’azur absolu, teinté de rouge sang, une quête intérieure, une réflexion douloureuse sur la mémoire, ses détours et mauvais tours. Il n’a pas échappé à Gérard de Cortanze que nous étions désormais en l’an de grâce 2009, et que, non pas que le bleu ait le blues, mais les récits de la table ronde et autres chanson de gestes ne sont plus tout à fait d’actualité. Mais après plus de soixante livres, l’artiste n’en est pas à son coup d’essai, et faire du neuf avec du vieux, c’est un peu son truc, sa recette, son talent. Des romans de chevalerie, il a conservé dans Indigo toute la poésie, les codes d’honneur et l’enchantement. Mais en y ajoutant, dans une juste proportion, le réalisme des mystérieux crimes qui ponctuent la quête de son héros, il donne à l’intrigue une dramaturgie et un rythme digne des meilleures séries américaines contemporaines. Et puis il y a ces touches insolites, aux frontières du fantastique, comme le fait que même le visage du chercheur d’or bleu est bleu, ou qu’il ressemble autant à un ange qu’à un ogre, oscillant entre ombre et lumière, illusion et réalité, mensonge et vérité. Il faudra finalement neuf crimes à la police pour coincer le bon (ou le mauvais) coupable. Neuf crimes aussi pour une naissance, pour que Giobert « accouche » du « bleu d’infini », subtile nuance nichée entre les bleus du corps et ceux de l’âme. Neuf crimes enfin pour que Cortanze achève ce roman hors du temps, céleste et au moins aussi « bleu comme une orange » que la terre d’Eluard.
Marine de Tilly.

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