mercredi 1 avril 2009

A. Diwan pour Le Point, 02/2009


Not just a gigolo

De l’autre côté de l’été, d’Audrey Diwan, Flammarion, 251 p., 17 euros.

Eugénie Mars a 59 ans, et il ne lui arrive rien. Vautrée nuit et jour dans son sofa, elle accuse le coup d’une vie complètement loupée. Epouse d’un homme qui ne la désire plus, fille d’une mère qui ne l’aimait pas, mère d’une fille qui ne l’aime pas non plus – le tout étant valable dans les deux sens-, Eugénie est exactement le genre de bonne-femme que l’on n’a surtout pas envie de devenir. Jusqu’au jour où, sans trop savoir pourquoi, elle décide d’inviter le petit serveur d’en bas à vivre avec elle pendant un an, moyennant un chèque plein de zéros. On ne s’y attendait pas. D’une ligne à l’autre, Eugénie se fait piquante, imprévisible, capable de tout, comme de virer violemment la domestique philippine, de laisser son ex-mari et sa fille sur le carreau ou de balancer les plus belles pièces de l’appartement dans la rue – une fois au pied de l’immeuble, le buste de Mozart posé depuis trente ans sur la cheminée lui parut ridicule-, bref, c’est comme si les coutures de son existence somnifère avaient (enfin !) sauté. A peine salie par le côté sexe drogue and rock n’roll de son pacte avec l’absurde, Eugénie devient une « vraie » héroïne de roman : compliquée, touchante, et bien sûr, amoureuse d’un type qui s’en fout. Mais la relation délicate et ambigüe de cette vieille-là avec ce gigolo-là autre chose qu’une sale histoire de fesse. Ancrée dans l’air du temps, à la fois souriante et mélancolique, elle étonne et amuse, prouvant au passage et avec malice que tout est toujours possible, y compris à 58 ans.

Marine de Tilly.

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