mardi 10 mars 2009

S. Guibourgé pour Le Point, 08/2008



Li-thé-rature.
La première nuit de tranquillité, de Stéphane Guibourgé, Flammarion, 377 p., 19€.


Stéphane Guibourgé adore le thé. Ce serait « l’art d’être au monde », écrit-il. Alors il a fait comme le thé, il a mis au monde deux personnages gris et nomades, Anne et Vincent. Et il les a emmenés à Darjeeling, « poubelle à ciel ouvert, joyau dans la lumière », pour qu’ils reprennent des couleurs, se rappellent les parfums du thé, et au passage celui de la vie. Et ça a marché puisque finalement, Anne et Vincent parviennent à se reconstruire et à s’aimer. Il a toujours su écrire, décrire l’intime, Guibourgé. Dans ses sept romans en général, dans Le train fantôme (Flammarion, 2001) et Une vie ailleurs (Flammarion, 2003) en particulier, il était parvenu à s’immiscer équitablement dans la narration, assez pour se laisser apercevoir, mais pas trop, pour ne pas décevoir. Avec La première nuit de tranquillité, il va au bout de cette construction à la fois mentale et littéraire, mêlant fiction et récit comme s’ils dialoguaient, comme s’ils se répondaient. Parce qu’à côté d’Anne et Vincent, il y a ce « Dominique Daudé » qui se raconte, un chapitre sur trois ou quatre, à la première personne du singulier. Si c’est Dominique, ce n’est pas Stéphane. Et pourtant cette voix qui raisonne en écho au long chemin de vie des deux héros, c’est bien celle de l’auteur, un garçon abandonné à la naissance, adopté, enfermé dans la vie, ni mort ni vivant, avant de se réconcilier à lui-même, par la littérature. « La prima notte di quiete », chez les romains, c’est la mort. Pour Guibourgé, ce sera le pardon, car lui seul repose les âmes, offre un sens nouveau à l’existence, un encrage. Guibourgé a bien fait de boire beaucoup de thé. Car diffusé au filtre de sa langue douce et murmurée, ce thé là a le goût de la bonne littérature. Marine de Tilly.

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