mardi 10 mars 2009

R. de Sa Moreira pour Le Point, 08/2008


Maudit Hermaphrodite

Mari et femme, de Régis de Sa Moreira, Au Diable Vauvert, 182 pages, 15€.

Ça commençait mal. Un titre à la noix (Mari et femme… ?), et un « pitch » plutôt casse-gueule : « Un couple en pleine rupture se réveille un matin, chacun dans le corps de l’autre ». Heureusement qu’en haut de la première de couverture, il est mentionné « Régis de Sa Moreira », dont on se souvient du brillant Libraire (Le Diable Vauvert, 2004), et pas Katherine Pancol. L’espoir renaît. Une seule page de lecture et on ravale aussitôt ses petits aprioris : « La première chose qui t’étonne lorsque tu ouvres les yeux, c’est le plafond de votre chambre. Ca fait des mois que tu dors dans le salon. Tu ne comprends pas (…). Tu descends ta main sous le drap. Tu cherches quelque chose entre tes jambes. Tu ne trouves rien. Tu te retournes vers l’armoire à glace. Tu cries. Ta femme crie à ta place ». Premièrement, la situation de ce couple inversé est drôle, vraiment drôle. Difficile de ne pas repenser à la dernière fois que l’on a balancé le fameux « mets-toi à ma place » au visage de son conjoint. Ca devait être hier. Peut-être même ce matin. Difficile aussi de ne pas rire de toutes ses dents –surtout lorsqu’on est du deuxième sexe - quand le mari devenu sa femme découvre les aléas de l’orgasme féminin, par exemple. Car si Régis de Sa Moreira semble avoir beaucoup d’imagination, il n’est, définitivement, pas une femme… Deuxièmement, pendant que l’on dévore ces 182 pages comme une lettre d’amour, on s’amuse encore, mais de la forme de l’écriture cette fois. Une véritable performance stylistique. « Depuis les entrailles de votre lit, tu entends ta femme qui éclate de rire devant la télé et tu te demandes ce qui peut bien la faire marrer. Tu as mal partout, tes seins ont triplé, tu aimais bien être une femme, être une vache te plaît moins. Tu te traînes tout nu jusqu’au salon, tu t’affales sur le canapé. Elle caresse émerveillée son gros ventre, tu embrasse fasciné les abdominaux du tien ». Les pronoms se mélangent, on s’y perd volontiers, on ne sait plus qui est qui, alors on relit, on se concentre, jusqu’à ce que l’on en arrive à cette conclusion pourtant limpide : ces deux là ne font qu’un. Un couple ? Plutôt un bon roman.
Marine de Tilly.

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