mardi 10 mars 2009

L'Heroic Fantasy pour Le Point, 07/2008


L’Heroic, c’est fantastique

A l’heure où la postmodernité a le vent en poupe, où les récits d’anticipation et leur lot de gadgets futuristes poussent comme des champignons après la pluie dans le paysage culturel français, un genre « dissident » s’impose, au contraire, en renouant avec les grands récits médiévaux peuplés de guerriers et de magiciens légendaires : l’heroic fantasy, ou le nouveau graal littéraire.
Bienvenue ailleurs, loin, quelque part entre l’Ecosse et le royaume de Bretagne, il y a très, très longtemps. « Je t'appelle voyageur, mais peu importe si tu n'as pas voyagé ou si tu ne quittes jamais ta chambre. Je t’appelle voyageur parce que nous suivons tous une voie spirituelle ou philosophique quand la vie présente ne peut satisfaire nos besoins spirituels d'êtres pensants. Je me nomme Conan Dragonheart, rôdeur des temps anciens dans un monde peuplé de créatures extraordinaires. Un monde où règne pouvoir, richesse, trahison et perfidie ». Sur fond musical celtique, voilà ce que l’on peut lire, en guise d’introduction, sur l’un des nombreux sites consacrés à l’heroic Fantasy. L’heroic fantasy, littéralement « héroïque fantastique », c’est ce genre né dans les années 30 aux Etats-Unis et immédiatement pris d’assaut par toutes les formes d’expression artistiques possibles. Littérature, BD, télévision, cinéma, sites internet ou jeux vidéo, tous les supports ont exploré les sentiers sinueux de ce monde médiéval saturé de mythologies et de légendes Arthuriennes. Sur la planète Heroic fantasy, les forces du bien affrontent celles du mal à travers trois étapes principales. Un voyage semé d’embuches d’abord, une lutte cruciale qui verra la mort du héros-guerrier, et enfin, la consécration de ce dernier, sorte de catharsis messianique et rédemptrice. Quasi systématiquement, le héros, un homme (parfois une femme, Xéna faisant exception) solitaire et fidèle, est associé au printemps, à l’aube, l’ordre, la vigueur et à la jeunesse, tandis que son rival, lui, est l’incarnation de l’hiver et de l’obscurité, de la vie moribonde et de la vieillesse. L'un des canons de l'heroic fantasy, le premier en tout cas : Conan le Cimmérien, crée en 1932 par Robert Ervin Howard. Plus subtils que le barbare, Frodon Sacquet dans le Seigneur des Anneaux, du maître Tolkien (1954), et Fitz Chevalerie dans Le Cycle de l’assassin royal, de Robin Hobb (1996-2004), qui figurent eux aussi en bonne place dans le Panthéon du genre. Plus récemment enfin, le Kieli de Raymond E. Feist dans la Serre du faucon argenté, ou Druss de David Gremmell dans Légende (tous deux publiés chez Bragelonne). Autour de ces aventuriers aux talismans magiques, gravite une constellation de peuples secondaires, elfes, trolls, gobelins, géants, nains, orques, hobbits, gnomes et autres humanoïdes échappés du fond des âges. Chacune de ces créatures possède un profil physique et psychologique bien défini, exposé avec une précision étonnante dans la très sérieuse encyclopédie de l’heroic fantasy. Prenons les gobelins, par exemple : « créatures au visage aplati, les gobelins ont des oreilles pointues et une large bouche. Leur couleur de peau va du jaune au rouge sombre, en passant par toutes les nuances d'orange. Ils sont lâches et n'attaquent qu'en masse. ».
Un autre monde, vous dis-je, un univers de pure fiction livré « clé en main » avec ses codes, sa grammaire, son histoire, ses peuples et ses langues, sa culture, ses mythologies…et ses millions d’adeptes pendus aux fraîches nouvelles, au jeu de rôle « up to date » ou au dernier site en vogue. Alors qu’elles sèchent leurs larmes, les cassandres pleurant à la mort de l’imaginaire en littérature, avec la Fantasy, qu’elle soit « Heroic », « Dark », « Science » ou encore « High », il semble que le romanesque, le féerique et l’irrationnel aient encore de beaux jours devant eux.

Encadré 1 : Bragelonne Edition, leader de la HF.
Non, Bragelonne n’est pas seulement un Vicomte cher aux amateurs de Dumas. Bragelonne, c’est avant tout « le » spécialiste, « le » leader francophone de la HF. En 2000, date à laquelle Stéphane Marsant et Alain Névant, deux fous du genre, fondent la maison d’édition, les programmes ne comptaient que 3 titres. En 2008, 101 volumes sont déjà dans les bacs, et 18 sont prévus d’ici la fin de l’année, toute collection confondues. Avec un catalogue de 260 ouvrages signés par plus de 90 auteurs, l’éditeur indépendant affiche un CA frisant les 800 000 euros, soit une progression de 45% par rapport à l’année 2007. Pour la rentrée littéraire, on trouvera, entre autre, les œuvres complètes de Robert E. Howard, Solomon Kane, ou Le Royaume magique de Landover de Terry Brooks, autre grand nom de cette littérature. M. de T.

Encadré 2 : L’Heroic Fantasy et le 7ème art.
Malgré sa cinégénie évidente, et Les Niebelungen, réalisé en 1924 par Fritz Lang ; au cinéma, l’heroic fantasy a longtemps trébuché sur trois obstacles. Un, les Américains n’ont pas connu d’époque médiévale, autant dire qu’Hollywood n’en rêvait pas. Deux, la fabrication de ces mondes imaginaires coûte extrêmement cher. Et trois, jusqu’aux années 70, le cinéma s’adresse essentiellement aux adultes, or, l’heroic fantasy est très prisé par les adolescents. Résultat, alors que la SF, portée par Spielberg, Scott ou Cameron explose dans les années 80, l’HF ne décolle toujours pas, et s’enfonce même avec Conan le barbare, taulé au box office en 82. Après une longue disette donc, le genre s’offre enfin son film culte en 2001, avec la trilogie du Seigneur des anneaux, par Peter Jackson. En tout, 17 Oscars et une moyenne de 7 millions d’entrées, en France, pour chacun des trois volets. M. de T.

Encadré 3 : John Ronald Reuel Tolkien, maître incontesté de l’Heroic Fantasy
En 1937, un professeur d'anglo-saxon à Oxford fasciné par les sagas médiévales et les langues imaginaires publie Biblo le Hobbit, un roman fantastique mettant en scène un hobbit, Biblon Sacquet, à la recherche d’un trésor usurpé par le Dragon Smaug. Cinquante ans plus tard, le même Biblo tutoie les 40 millions d’exemplaires vendus. En 1954-1955, une suite sort chez le même éditeur, Allen & Unwin: Le Seigneur des Anneaux. Devenue culte dès sa sortie, la trilogie est toujours l’un des livres de langue anglaise les plus lus au monde (environs 100 000 millions de livres vendus). En France, l’œuvre de Tolkien débarque en 1972 chez Christian Bourgois. Ses ventes s’élèvent aujourd’hui à plus de 4 millions d’exemplaires, attisées par une imposante mise en place en poche (chez Pocket), et l’adaptation au cinéma de Peter Jackson. M. de T.

Bibliographie :
-Le Cycle de Conan, de Robert Ervin Howard, J.C Lattès, 12 volumes publiés entre 1982 et 1986 : Conan de Cimmérien, Conan le flibustier, Conan le vengeur, Conan le guerrier, Conan le conquérant, Conan le vagabond, Conan l’usurpateur…
-Le Cycle de l’assassin royal, et celui de la citadelle des ombres, de Robin Hobb, Pygmalion, 13 volumes publiés entre 1996 et 2004 : L’apprenti Assassin, L’Assassin du Roi, la nef du crépuscule, Le poison de la vengeance, La voie magique, La Reine solitaire, Le Prophète blanc, L Secte maudite….
-Biblo le Hobbit (2 volumes), de J.R.R. Tolkien, Hachette Jeunesse, 1983.
-Le Seigneur de anneaux, de J.R.R. Tolkien, Christian Bourgois, 3 volumes publiés entre 197et 1973 : La Fraternité de l’Anneau, Les deux Tours, Le retour du Roi.
-La Serre du Faucon argenté, Tome 1, de Raymond E. Feist, Bragelonne, 2008.
-Légende, de David Gemmell, Milady (label poche de Bragelonne), 2008.
-Solomon Kane, L’intégrale, de Robert E. Howard, Bragelonne, à paraître le 24 août 2008.
-Le Royaume magique de Landover, Tome 4, de Terry Brooks, Bragelonne, à paraître le 19 septembre 2008.
Marine de Tilly.

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