mardi 10 mars 2009

K. Follet pour Le Point, 09/2008


Un trop petit pavé

Un monde sans fin, de Ken Follett, traduit de l’anglais par Viviane Mikhalkov, Leslie Boitelle et Hannah Pascal, Robert Laffont, 1 289 p., 24,90 €.

Ça fait toujours un drôle d’effet de commencer un livre de plus de 1200 pages. C’est impressionnant, lourd, et pas du tout pratique. Mais quand il s’agit de la suite des Piliers de la terre de Ken Follett, on se fait une raison ; ça fait quand même dix-huit ans qu’on l’attendait, celui là. Tout commence en 1990, quand Follett, alors considéré en Amérique comme le roi du thriller politique – son premier roman, L’arme à l’œil, reçoit d’emblée le grand Prix Edgar du roman policier en 1978- change radicalement de cap en signant Les Piliers de la terre, une saga monumentale sur fond de construction de cathédrale gothique, dans l’Angleterre du XII ème siècle. 90 millions d’exemplaires vendus plus tard –dont 760 000 en France-, le gallois est milliardaire, mais son inspiration en carafe. Fini pour lui, le temps des cathédrales, et ce n’est qu’en 2007 que le prodige rend enfin son deuxième volet : Un monde sans fin, à paraître en France le 2 octobre.
A l’instar des Piliers de la terre, Un monde sans fin est une véritable course de fond, une odyssée épique digne de celle de Perceval et des Chevaliers de la table ronde. Nous sommes en 1327, deux cent ans après l’intrigue des Piliers de la terre, dans la même ville puante et corrompue, Kingsbridge, à proximité de sa désormais célèbre cathédrale. Au lendemain d’Halloween, quatre héros picaresques, têtes blondes et griffes aux genoux, entrent dans une forêt interdite et assistent à l’assassinat de deux soldats. Une fois son forfait accompli, l’auteur du crime enterre une lettre et ordonne aux enfants de garder le silence sur ce qu’ils ont vu par hasard. Ce n’est que mille pages plus tard qu’ils découvriront la teneur du mystérieux billet : un ordre d’exécution du roi, signé de la main de la reine elle-même. Au fil de leur quête commune, les personnages n’en oublient pas leurs ambitions personnelles: Ralph, le mégalo, l’autoritaire, ne pense qu’à devenir baron, pour satisfaire ses envies de pouvoir. Gwenda, petite voleuse dégourdie et un peu trop romantique, caressera peut-être ses grands rêves de liberté, mais au prix d’une douloureuse déception amoureuse. Godwyns, intelligent et un brin manipulateur - de son propre aveu, Follet se serait inspiré de George Bush et de Tony Blair pour créer le personnage une fois adulte- atteindra son objectif : il sera prieur de Kingsbridge. Et Caris enfin, l’intellectuelle devenue médecin, aura bien du mal à convaincre les villageois très conservateurs de l’efficacité de la science, à l’heure où la prière et les méthodes ancestrales sont légion. Entre les rivalités de nobles, les intrigues d’évêques, les moines fornicateurs, les meurtres, les jalousies intestines, la faim, la guerre contre les français et par-dessus tout la peste noire qui fait des ravages sur les hommes et l’économie, nos quatre Lazarillo de Tormes version Ken Follett auront tous leur rôle à jouer.
Il fallait bien presque deux décennies pour que cet infatigable faiseur d’histoires, de personnalités et de mystères vienne à bout d’un récit si soigné. Il lui fallait beaucoup technique aussi, et un talent fou, pour rendre l’intrigue lisible, enrobante, en flux tendu. Finalement, on a bien fait de se faire une raison à propos de cette histoire de pages… Car en refermant Un monde sans fin, on ne se souvient même plus qu’il en comptait plus de 1200. Peut-être même que l’on aurait apprécié, -peut-on le croire ? - que ce monde là tienne sa promesse, et soit vraiment sans fin. Rendez-vous dans 18 ans, peut-être.

Encadré: 3 questions à Ken Follett:
Pourquoi avez-vous mis 18 ans pour écrire la suite des Piliers de la terre?
Les Piliers de la terre est le premier livre qui a réellement épuisé mon imagination. Quand il a été fini, j’avais la sensation d’avoir couru un marathon. Il m’a donc fallu beaucoup de temps pour dessiner les contours de cette suite. Il fallait trouver un thème à la hauteur du thème de celui des Piliers de la terre, c'est-à-dire la construction d’une grande cathédrale. Et compte tenu du succès mondial du ce livre, je ne voulais pas commencer la suite avant d’être sur qu’elle serait bonne.
Comment et où avez-vous finalement trouvé l’inspiration?
Je trouve une bonne partie de mon inspiration dans l’Histoire, mais aussi dans la presse, la télévision, et lors de conversations avec les gens. Cela dit je ne crois pas vraiment en l’inspiration. Je m’assieds surtout à mon bureau, en martelant mes neurones jusqu’à ce qu’ils me dictent quelque chose de correct.
Peut-on espérer un troisième volume avant 18 ans?
J’ai la ferme intention d’écrire une nouvelle histoire campée à Kingsbridge, mais bien sûr, j’espère que ça ne prendra pas encore 18 ans!
Marine de Tilly.

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